300 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
ouvrirent leurs rangs aux laboureurs et aux artisans aisés,
pour former avec ceux-ci une classe municipale influente.
En France, ils vécurent pauvrement des maigres rentes
de leurs censitaires ou bien ils durent se mettre au service
du roi et des grands. Aux Pays-Bas, il en fut de même ;
parfois, notamment en Brabant, le nombre des chevaliers
tomba dans certaines paroisses de 60 à 1 ou à 2 ; toute une
catégorie de nobles inférieurs, les ministériauæ, cessa d’y
exister. En Allemagne, la nouvelle nôblesse qui se créa,
par la fusion des chevaliers avec les ministériaux, végéta
misérablement, se confondit à l’occasion avec les paysans
ou vécut en majeure part de rapines. Le noble allemand
fut un hobereau (junker), ou pis encore un brigand (raub-
ritter).
Une élite cependant dans la classe militaire, la haute
noblesse sut maintenir et même accroître sa fortune fon-
cière. La France eut sa féodalité apanagée et sa noblesse
de premier rang, les Deux-Siciles eurent leur baronage,
l’Espagne son oligarchie des 380 gentilshommes conqué-
rants de Valence, ses richeshommes d’Aragon, sa grandesse
de Castille ; l’Allemagne, ses princes, ducs, margraves,
burgraves, comtes palatins, pourvus de la souveraineté
politique (landesherrschaft), en même temps que de la
richesse territoriale (grundesherrschaft), l’Angleterre ses
grands barons ou landiords. Tous s’efforcèrent d’accroître
et de conserver, parfois au moyen des majorats et de
l’interdiction des aliénations ou des ‘sous-inféodations, la
part de la fortune foncière considérable qui leur était
échue. Mais dans l’ensemble, la propriété féodale perdit
en Occident sa prépondérance antérieure.
La reconstitution des domaines d’État. — L'État monar-
chique ou princier tendit au contraire à reconstituer ses
domaines. Il les accrut, ici par la conquête, comme en
Espagne, dans les Deux-Siciles, en Angleterre, là par les
confiscations, les acquisitions, ou encore par le jeu des