Full text: Oeuvres complètes

X„ NOTICE SUll LA VIE ET LES ECRITS 
marchandises de toute nature étaient considérés comme une prise legale, 
et passaient, par une honteuse résurrection du droit d’aubaine, aux mains 
de l’État. On allait même plus loin. Après avoir proscrit le commerce avec 
les concitoyens dePitt, on proscrivait jusqu’aux liens du cœur et de l’esprit. 
Tout contact avec l’ennemi devenait une souillure, et l’on arrêtait dans 
tous les bureaux de poste les lettres écrites à des Anglais ou venant d’eux. 
Certes, Jamais excommunication ne fut plus dure et plus habilement con 
çue. Napoléon, par scs deux décrets de 180« et 1807, traçait autour de 
l’ Angleterre un cercle étroit et fatal qui devait se, resserrer encore à cha- 
que triomphe de nos armes. C’était pour ainsi dire un immense filet dans 
lequel il emprisonnait un géant jus(}u à soumission définitive. 
On sait trop bien à quel point les événements démentirent les vues et 
la logique de l’Empereur. Toute la force d’un homme ne peut arriver a 
convertir en crime, en attentat à une nation, ce qui n est que 1 exci 
cice d’un droit naturel ; et il devait être fort difficile de faire enten 
dre à un Prussien, à un Autrichien, à un Hollandais et même à un 
Français, qu’ils trahissaient leur patrie en consommant du sucre, du 
café, des tissus venus du dehors. Sans doute le continent avait été con 
verti en un seul marché couvrant tous les pays attelés à la politique de 
la France ; sans doute les barrières intérieures, renversées d’un seul trait 
de plume, compensaient l’immense mur d’enceinte dressé sur les côtes et 
sur les frontières extrêmes de ce Zoll-verein improvisé; mais ce n est pas 
en un jour que se créent des besoins, des intérêts nouveaux, et que s’or 
ganisent des industries vivaces. La betterave devait faire attendre long 
temps son sucre, la chicorée son prétendu café, et c est a giands renforts 
de primes, de gratifications qu’on parviendrait à p. oduire chèrement ce que 
l’Angleterre, créait sur une échelle grandiose et à des prix pour ainsi dire, 
impossibles. Et puis les relations économiques ne font pas ainsi volte face 
sur le geste d’un conquérant botté, éperonne et triomphant. Elles st, nom nt 
avec lenteur, se, dénouent de même, et tous les intérêts engagés dans le com 
merce extérieur, toutes les industries qui échangeaient leurs produits con 
tre ceux des Indes, des Antilles, de Birmingham et de Manchester, de 
vaient subir des perturbations profondes. 
Aussi la révolte contre le système impérial fut-elle permanente et gé 
nérale. Les gouvernements adhérèrent au blocus, mais tous les peuples 
s’évertuèrent à y contrevenir sourdement et sûrement Le commerce exté 
rieur prit un autre nom : il s’appela contrebande, mais continua à ali 
menter la consommation ; et il n’en résulta guère pour 1 Europe, en dé 
finitive, (|u'une immense déperdition de forces, suivie d’une immense 
déperdition de capitaux. La douane eut beau multiplier les obstacles, les 
formalités, et se faire inexorable, par obéissance à un maître inexora 
ble, les contrebandiers, si poétirpiement réhabilités par notre Béranger, 
perfectionnèrent leur industrie et se trouvèrent toujours en avance
	        
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