LA CONDITION DES CLASSES URBAINES 259
somptueusement parées ressemblent à des reines, comme
le remarque avec dépit Jeanne de Navarre, femme de
Philippe le Bel, à la vue des 600 bourgeoises patriciennes
de Bruges. Ils ont une table abondante et leurs repas
copieux sont arrosés de vins de prix ; ils y étalent la magni-
ficence de leur vaisselle d’argent. Ils singent la noblesse
et veulent ‘parader aux tournois, comme ils paradent aux
fêtes, aux cortèges et aux processions. Le spectacle de
cette vie de luxe était une véritable provocation à l’adresse
des masses, sur lesquelles le patriciat faisait peser son
lourd despotisme, qu’elle aggravait par un mépris insolent
st par des attentats contre l’honneur ou la dignité des
gens du peuple. Il provoqua ainsi contre lui la haine des
associations puissantes, métiers libres ou corporations,
dont il ne put empêcher la formation et le développement.
Les origines, la formation et le ‘développement des
métiers libres et des corporations jurées (XI>-XIV® siècle).
— Les petits marchands, les petits patrons (maîtres) et
les ouvriers avaient déjà organisé, avec la permission de
l’Église, des associations de piété et d'assistance, les con-
fréries et les charités, auprès desquelles s’étaient formés,
du consentement de l’autorité seigneuriale, des groupe-
ments professionnels ‘on métiers (ministeria), surtout
parmi les industries de première nécessité, comme on le
voit à Paris, à Chartres, à Étampes, à Pontoise, à Douai,
à Saint-Trond, à Bâle, à Strasbourg, à Coblentz, dès le
XI° ‘siècle et la première moitié du x11°. Rarement les
anciennes corporations romaines ou byzantines, telles que
celles de Rome et de Ravenne (les scholæ). avaient survéeu.
Mais ces syndicats primitifs, soumis à une étroite surveil-
lance, pourvus de quelques privilèges ou monopoles res-
treints, n'avaient que peu de force. Ils ne jouèrent, dans
la révolution communale, que le rôle d’appoint.
L’émancipation dont les masses profitèrent pour acqué-
rir la liberté civile et économique favorisa la généralisation