LES INVASIONS, RUINE DU TRAVAIL 25
rages. Comme les Germains n’étaient pas très nombreux,
cette mesure de spoliation s’accomplit sans difficulté, ne
laissa que peu de traces et n’atteignit qu’une minorité de
propriétaires. Plus modérée encore en Italie, la spoliation
n’avait porté que sur le tiers des terres ou des revenus
fonciers des Romains, mais les Hérules avaient rendu
odieuse par leur brutalité une décision que les Ostrogoths
de Théodoric, plus habiles, surent rendre acceptable. Ces
derniers s’étaient bornés à percevoir à titre d’hôtes, par
l’entremise du Trésor, soit en argent, soit en nature, le tiers
des revenus, des domaines publics et des grandes propriétés
privées qui leur avaient été allouées. Mais tout changea
avec les Lombards, conquérants brutaux, qui non con-
tents de s'installer avec leurs familles (faraæ) sur les terres
des grands propriétaires romains, massacrés en masse, et
des corps ecclésiastiques spoliés, obligèrent de plus les
populations latines survivantes à payer aux nouveaux
hôtes germaniques le fiers du produit des terres dont elles
conservèrent l’usufruit. Ainsi s’accomplit une vaste trans-
lation de propriété en Occident. Elle favorisa la crois-
sance d’une aristocratie foncière formée d’éléments ger-
maniques prédominants, mêlés aux éléments romains
assimilés, au détriment de la classe des petits propriétaires
libres, dont le nombre et l’influence ne devaient pas
tarder à diminuer. La grande propriété aristocratique,
qui tendait à absorber le sol, dès la fin de l’Empire, dut
aux invasions un surcroît de vitalité et d’expansion. En
même temps les formes primitives de possession du sol,
propriété collective de village et de famille reparaissaient,
dans l’Occident civilisé, où le génie romain avait fait
prévaloir la propriété individuelle.
Loin d’apporter avec eux dans l’Empire les principes
de liberté et d’égalité démocratiques, les Germains ne
firent qu’y propager l’oppression du pauvre par le riche,
du faible par le fort, des masses par une oligarchie. de
chefs de bandes. maîtres des hommes et de la terre.