308 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
général l’émancipation valut aux paysans de précieuses
garanties, obtenues en bloc ou en détail. ‘
Le premier bienfait qu’elle comporta fut celui de la
liberté personnelle. Le paysan put disposer de lui-même.
Les lois ou les coutumes reconnurent désormais que
l’homme naît et doit rester libre, qu’il ne peut être objet
de propriété. Les chartes des villeneuves vont jusqu’à
déclarer la personne du vilain inviolable. Le droit de
coercition du maître disparaît ou est limité. La liberté
du domicile est admise ; le propriétaire ne peut. plus
ramener par force sur sa terre le paysan qui a émigré,
pourvu que celui-ci l’ait prévenu, lui ait fait abandon d’une
partie de ses biens meubles, lui ait fourni un remplaçant
ou payé une taxe de rachat. Les obstacles mis à la liberté
des mariages sont supprimés ou abaissés, moyennant des
taxes spéciales ou en vertu des conventions (traités d’en-
recours), conclues entre seigneurs. La personnalité juri-
dique du vilain est reconnue ; il peut ester en justice ;
il jouit d’une protection légale contre les mauvais traite-
ments, de même que sa femme et ses enfants. On reconnaît
aux paysans le droit de léguer leurs biens meubles et
immeubles; quand la mainmorte a survécu, on a réussi à
en tourner les prescriptions par une série de fictions
juridiques, comme en Auvergne et en Nivernais. Le plus
souvent, on l’a rachetée et abolie ou remplacée pat de
légères taxes en argent, 12 deniers par exemple aux Pays-
Bas. On a supprimé de la même manière la plupart des
droits de mutation les plus vexatoires, tels que celui du
meilleur caiel, qui permettait au seigneur de prélever la
moitié de la succession en Allemagne, en Angleterre et
aux Pays-Bas. À peu près partout, les vilains purent
dès lors librement aliéner, échanger. vendre. léguer leurs
biens de toute espèce. ;
La loi protégea la propriété des paysans émancipés ;
elle interdit souvent de saisir leur outillage, leur
cheptel, leurs récoltes, leur mobilier. En général, toutes