164 L'’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
bables des aftranchis ou lites de l’ère précédente (halb
freien, meier). En Alsace, on retrouve Ces censitaires sous
le nom de colons (landsiedeln). Tls ont quelque analogie
avec les laeten des Pays-Bas, avec les vilains censitaires
(villanos, pecheros, juniores) d’Espagne, avec les manants
at les censitaires italiens (coloni sedentes, mamentes, fictai-
uoli). Ils forment en France la grande classe des paysans
« laboureurs » ou roturiers (ruptuaräü), qui est confon-
due communément avec celle des serfs sous le nom de
vilains (villant rustici, pagesii, nativi) OU de sujets (homines
de potesiate), hommes de poeste, mais qui s’en distingue
par le qualificatif de franc (libre). Les caractères distine-
tifs de la condition du vilain franc sont, d’une part, la
liberté personnelle (franchise) qui lui est reconnue, de
l’autre la nature contractuelle de sa tenure. En principe,
il a, comme le noble, la qualité d'homme libre, mais sa
liberté subit dans la pratique de singulières atténuations.
Si certains vilains, comme les juniores de Castille, ont le
droit de changer de domicile, la plupart ne peuvent aban-
donner leur tenure, sans l’autorisation du propriétaire. Ils
n’ont aucun des droits politiques qui rehaussent la classe
noble. Ce n’est qu’à titre exceptionnel que certains d’en-
tre eux ont pu être appelés à posséder des fiefs ou ont été
admis à la chevalerie. L'opinion des classes supérieures
n’admat aucun point de contact entre le tenancier, même
franc, et le propriétaire noble ; elle confond libres et serfs
dans le même mépris. Pratiquement, le vilain franc est
presque aussi muré que le serf dans la catégorie sociale
où 1e sort l’a placé.
Les terres des vilains francs. — Mais la terre du
vilain franc est cependant située à un degré plus élevé
que celle du vilain seri. Le premier jouit du bénéfice
d’un contrat d’association que ne connaît pas le second.
[La tenure en vilainage, distincte nettement du fief,
ne l’est pas moins de la tenure servile. Comme le fief,