LE MONDE BARBARE 9
forêt, en grande partie vierge, formée de hêtres, de bou-
leaux, d’érables, de sapins, couvrait les quatre cinquièmes
des vastes régions qu’ils habitaient. Dans leurs clairières,
ces peuplades chassaient les animaux sauvages, cerfs,
daims, aurochs, ‘ours et capturaient les animaux à four-
rures. Elles ‘recueillaient le miel des abeilles sauvages.
Elles faisaient paître dans les espaces vides, dans les
pacages des monts et les herbages des bords des rivières
de grands troupeaux de porcs, de bêtes à laine, de bêtes
à corne et de chevaux. Les Slaves étaient réputés comme
éleveurs ; ils avaient pour la culture elle-même plus d’apti-
tudes que les Germains qui leur empruntèrent la charrue
à soc. Bien qu’ils ne connussent que les procédés de la
culture extensive, ils produisaient déjà les céréales dans
les riches -terres de ces régions et retiraient d’ordinaire de
leurs semences un rendement de trois pour un. Ils con-
naissaient les plantes industrielles, le lin et le chanvre.
Mais leur industrie était toute rudimentaire, sauf pour le
travail du fer et des tissus ; et partout elle ne dépassait
pas le cercle de la famille et de la tribu.
Leurs échanges faits à dos d'hommes ou de bêtes de som-
me, sur des pistes primitives, ou encoreau moyen de barques
qui suivaient le cours des fleuves, n’avaient guère d'activité
qu’au voisinage de l’Empire byzantin. Ils ne connaissaient
pas lamonnaie: les peaux deloutresetd’herminesentenaient
souvent lieu. Ils troquaient produits contre produits.
Cependant, ils admettaient des, étrangers (gosts) à séjour-
ner dans des enclos particuliers (gostinny dvor) pour y
trafiquer, et, dès le vrr® siècle ils eurent quelques grands
marchés, tels que ceux de Julin ou Vineta dans l’île
de Wollin en Poméranie, de Novgorod, de Smolensk, de
Leczyka et de Kiev. Mais ils ne distinguaient guère le
commerce du brigandage. Chez eux, les termes de mar-
chand et de voleur étaient synonymes, et l’entrepôt com-
mercial se confondait avec le repaire du brigand (tovary).
Dans la Baltique, c’était la piraterie qui l’alimentait,