LES CAMPAGNES DANS L’ÈRE FÉODALE 171
est-il interdit à ce bétail humain d’abandonner la terre
qu’il exploite, sous peine d’être poursuivi; en vertu du
Jroit de suite ou de parée, partout où il se réfugierait, il
risquerait d’être repris et ramené à sa résidence originelle.
Le serf est légué, vendu, échangé avec la terre sur laquelle
il vit. Il ne peut comparaître ni témoigner en justice, spé-
cialement dans les procès qui intéressent les hommes libres.
I est exclu du clergé. En Angleterre, on ne l’admet ni
dans le jury, ni dans les assises. Un petit nombre seule-
ment d’entre les serfs peut obtenir la permission de quitter
le domaine, mais en continuant à acquitter les redévances
et prestations personnelles, ou en abandonnant, au gré
du seigneur, la tenure servile, ainsi qu’une partie des autres
biens qu’ils ont pu amasser. Une restriction non moins
sensible de la liberté du serf est l’interdiction de contracter
mariage en dehors du domaine, de peur que les enfants
soient ainsi dérobés à la propriété seigneuriale. Le serf,
sous peine d’amende et de confiscation, ne peut contrac-
ter d’union de ce genre sans autorisation et sans indemnité
(droit de formariage). Des conventions règlent en ce Cas
le partage de la future famille serve entre les seigneurs
'ntéressés. Le serf enfin n’a pas le droit de propriété. La
tenure servile diffère essentiellement de la tenure rotu-
rière, concédée au vilain franc. Celle-ci dérive d’un contrat
irrévocable, celle-là au contraire provient d’une concession
purement gracieuse toujours révocable. Les conditions et
charges de l’une sont fixes et invariables. Celles de l’autre
peuvent être modifiées au gré du maître et aggravées s’il
lui plait. La tenure du vilain franc est devenue héréditaire
et aliénable, comme une vraie propriété. La tenure servile
n’est jamais éonsidérée comme la propriété, même utile, du
serf. Elle n’est, en principe, ni susceptible d’hérédité, ni
d’aliénation. Le serf ne peut en disposer, ni par échange,
ni par vente, ni par testament. Tout au plus, l’intérêt de
la culture a-t-il amené le maître à permettre au serf de
transmettre le lot que celui-ci exploite, de manière à sti-