172 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
muler l’activité du travail chez l'exploitant. Mais le serf ne
peut faire la transmission qu’en faveur de son héritier direct,
et, en ce cas, ce dernier rachète la servitude (mainmorte)
dont la terre est grevée, par le paiement d’une taxe. Cette
taxe est la marque indélébile de la condition du serf ; elle
lui a valu d’être désignée sous le nom de mainmortable.
Enfin, l’exploitant de condition servile est astreint
à des charges spéciales, dont le vilain frane se trouve
légalement exempté. Le serf acquitte la capitation ou
chevage (capitalis census), taxe personnelle et annuelle
assez faible (4 deniers en France), mais qui est comme
le signe visible de sa subordination toute spéciale, ainsi
que l’était naguère en Russie l’obrok. Il paie la taille per-
sonnelle, aütre indice de sujétion, et la quotité de cette
redevance, appelée aussi queste, tolle, exaction, prêt forcé,
dépend de la volonté du seigneur, qui dispose ainsi, sui-
vant son caprice, de toute la fortune mobilière du serf,
s’est-à-dire de la seule propriété à laquelle ce dernier
puisse parvenir. Le paiement, à l’origine, en est constaté
d’une façon primitive par une entaille sur un bâton fendu
an deux parties, dont percepteur et contribuable conservent
chacun un échantillon. Enfin le serf doit son travail au
maître toutes les fois, pour toutes les circonstances, et à
boutes les époques, où celui-ci le juge à propos. En vertu
de ces corvées (corporis angariæ, operæ), les unes ordi-
naires, les autres extraordinaires (perangariae), il est tenu
d’exploiter la réserve du seigneur, de charroyer ses pro-
luits, de participer à tous les travaux des champs que fait
valoir le maître, ainsi qu’aux constructions que celui-ci
peut élever. Il est réquisitionné pour l’entretien du châ-
teau, pour la conduite des criminels, pour les relais, pour
la mise en état des routes et des ponts, pour la défense des
forteresses (guet et garde). La personne, le travail, les pro-
duits du travail du serf, tout appartient donc en principe
au seigneur. Telles sont les charges particulières au paysan
asservi.