280 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
les cultures ne couvraient qu’une minime proportion des
terres. La moitié ou plus encore du territoire de la
France, les deux tiers de celui des Pays-Bas et de
l’Allemagne, les quatre cinquièmes de celui de PAngle-
terre étaient incultes. Il fallut la révolution économique
et sociale déterminée par l’essor du commerce et de l’in-
Austrie, pour tirer de sa torpeur le monde rural de l’Oc-
cident. Les besoins de la consommation et des échanges
provoquèrent l’effort colonisateur qui s’imposa aux classes
possédantes, soucieuses de maintenir leurs revenus, aussi
bien qu’aux classes agricoles, stimulées par l'espoir
d'améliorer leur sort au moyen du travail. Les élites
sociales se mirent à la tête de ce grand mouvement.
L’Église en particulier fit de la colonisation une œuvre
sainte, qui accrut son influence et sa fortune. Elle la bénit,
elle interdit de la troubler, elle en prend souvent l’initia-
bive. Les ordres monastiques français ont bien mérité de la
civilisation en faisant aboutir cette croisade pacifique.
Les 2.000 prieurés de nos Clunisiens, les 3.200 abbayes de
nos Cisterciens, les nombreux monastères de nos Char-
treux, de nos Prémontrés, de nos Trappistes furent les
centres de ralliement de ces milliers de pionniers qui
défrichèrent, essartèrent, desséchèrent le sol de l’Oceident.
Les chefs d’États féodaux et monarchiques, de leur côté,
tels que les rois d’Angleterre, de Castille, d’Aragon, des
Deux-Siciles, les empereurs souabes, les Capétiens, les
comtes de Flandre, les margraves allemands, inaugurèrent,
encouragèrent, stimulèrent souvent le mouvement de la
colonisation. Les communes urbaines à leur tour favori-
sèrent l’œuvre colonisatrice et parfois même la rendirent
obligatoire. De riches bourgeois y contribuèrent par leurs
capitaux, notamment aux Pays-Bas. Les masses rurales
fournirent la main-d’œuvre, les pionniers (hôtes, advenæ,
sarlores) par milliers, sans lesquels l’entreprise qui fit la
lortune de l’Europe médiévale eût été impossible.