70 LE TRAVAIL PENDANT LE HAUT MOYEN AGE
ses notables”(judices,” boni homines) pour aider à l’admi-
nistration urbaine, se fait pourvoir de privilèges. écono-
miques et financiers. C’est dans cette classe, qui eut les
défauts inhérents à la recherche incessante de la fortune,
que se transmirent les fortes vertus sociales, l’amour du
travail, l’économie, la simplicité et la régularité de l’exis-
tence, la’ pratique de la charité. La plèbe des artisans
(laos), groupée en corporations ét confréries, forme, avec
la classe moyenne (les mesoi), l’élément vivant des cités
byzantines. C’est à elle qu’est dû le renom de l’industrie
orientale.‘ Elle est intelligente et laborieuse. Elle à le sen-
timent de sa valeur. On'a vu à Byzance un ancien ouvrier,
Léon l’Isaurien, ceindre le diadème et faire souche d’une
dynastie. La vie corporative entretient en elle le goût d’une
certaine indépendance et le sens de la solidarité. Les
lettrés, qui ont décrit la vie de ce menu peuple des ateliers,
le montrent plein d’entrain, de vivacité et de saillies,
volontiers ami du plaisir, content de peu, fort attaché à
la vie de famille, et, suivant les moments, turbulent et
docile, sceptique"et railleur, dévot et fanatique, mobile et
exubérant, à tout prendre facile à conduire, pourvu que
l’autorité sache le manier sans brutalité et lui assurer à
bon compte des vivres et des amusements. C’est seulement
à Constantinople et à’ Thessalonique que cette plèbe, au
demeurant honnête et travailleuse, parfois même affinée
d’intelligence et de sentiments, a pâti du voisinage du
prolétariat de fainéants et d’aventuriers qui grouillait
dans les bas-fonds de ces grandes cités. C’est à ces éléments
troubles, à”ces parasites lâches, séditieux, sanguinaires
et féroces à l’occasion, qu’incombe la fâcheuse réputation
dont le peuple byzantin des villes a si longtemps souffert.
En réalité, dans la société orientale, la prospérité de l'in-
dustrie et.du commerce est autant l’œuvre des artisans
libres urbains que celle de la bourgeoisie intelligente des
classes moyennes, et que celle de l’État, protecteur du tra-
vail. Tous, grands propriétaires et princes promoteurs de la