L’ÉMANCIPATION URBAINE 251
Elle a fait des villes médiévales les centres d’activité les
plus vivants et les plus progressifs. Elle a valu à la plu-
part la richesse, due à la puissance productive du travail
émancipé, honoré et protégé. Elle a attiré dans les villes
une population grandissante. Dans celles qu’enrichissent
le commerce et l’industrie, renaissent le mouvement et
la vie d’autrefois, par exemple dans les Deux-Siciles,
dans l’Italie centrale et .septentrionale, dans l'Espagne
orientale, dans la France méridionale et septentrionale,
dans la Rhénanie et les Pays-Bas. De grandes agglo-
mérations urbaines se reconstituent. Palerme a eu peut-
être un demi-million d’âmes au xI1° siècle ; Florence en
a groupé 100.000 au xI1I°, Venise plus de 100.000, de
même que Milan, Asti 60 à 80.000, Paris 100.000 à la
fin du x11° et peut-être 240.000 à la fin du xIII° ; Douai,
Lille, Ypres, Gand, Bruges chacune près de 80.000, Lon-
dres 40 à 45.000. Dès lors environ un dixième de la popu-
lation de l’Occident s’est porté vers les villes devenues des
foyers de vie intense. Les classes industrielles et commer-
gantes qui ont créé ces foyers, y ont montré dans l’art de
gouverner des aptitudes éminentes, supérieures à celles des
classes féodales. Parmi elles, la classe des administrateurs
qui devait fournir aux gouvernements monarchiques leurs
meilleurs cadres a fait son apprentissage. Elles ont eu
surtout la claire vision des intérêts économiques qui sont
à la base de la fortune des États. Mais ces marchands et
ces artisans ont eu aussi le sens et le souci de la grandeur
de la petite patrie municipale, où ils étaient parvenus à
acquérir la liberté et la puissance. Grâce à eux, une nou-
velle civilisation urbaine est née, dont les manifestations
se multiplièrent dans le domaine social, intellectuel et
artistique. Elle suscita une admirable floraison d’institu-
tions charitables, d’établissements d’enseignement, voire
même d’œuvres littéraires d’inspiration bourgeoise. Elle
développa entre les villes cette généreuse émulation, à
laquelle on doit tant d’œuvres d’utilité publique ou de