320’ - L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
de la liberté, dont se composèrent les masses rurales de
l'Occident. Toutefois, la transformation ne fut ni com-
plète, ni continue. Comme des témoins d’un passé tenace
et d’institutions qu’on pouvait croire périmées, survé-
curent et reparurent même parfois le Servage et l’escla,-
vage: Dans toute l’Allemagne du N' ord, les anciennes popu-
lations slaves ou borusses, auxquelles on laissa la vie, for-
mèrent une nouvelle classe de serfs (lides, smurdes),
« d'hommes de rien » méprisés et maltraités. Dans les Iles
Britanniques, les progrès de la féodalité anglo-normande
et la dissolution partielle du clan eurent souvent pour effet
l’aggravation et la généralisation du Servage parmi les
populations celtiques de l’Écosse, de Galles et de l’Ir-
lande. Aux Pays-Bas, survécurent en N amurois et en
Luxembourg des serfs de la glèbe, de même qu’en Aragon
et en Haute-Catalogne. Dans ces dernières régions, le ser-
vage de diverses catégories des chrétiens appelés mez-
quinos, pageses de remensa, et des musulmans (ejaricos),
fut poussé à un tel degré de dureté, que les lois reconnurent
aux propriétaires, même au xIL° et au x1Ive siècle, le
pouvoir de les « traiter bien ou mal à leur volonté » (jus
maletractandi).
Dans les pays ibériques et dans les Deux-Siciles,
3i les juifs et les musulmans furent souvent ménagés,
pourvus d’une certaine autonomie, admis au droit de
propriété, il arriva aussi qu’une partie d’entre eux fut
réduite à la condition des mainmortables. En France
même, si la servitude personnelle disparut en général,
il subsista des îlots de mainmorte jusque dans l’Ile-de-
France, le Toulousain, la Bretagne, mais surtout dans le
Dauphiné, la Champagne, la Lorraine et une partie du
Centre. Il est vrai que la servitude, qui pesa sur la terre
ot qui entraînait le paiement de droits spéciaux de sue-
cession, laissa au cultivateur les garanties essentielles de
la liberté civile et de la stabilité. Mais ces formes adoucies
du servage sont restées limitées. aux pays les plus eivilisés.